* *
Alors que pendant tout le moyen âge, l’Église n’a cessé de menacer les pécheurs des pires tourments, elle a ces derniers temps modifié sa posture doctrinale. À présent, elle étend un voile de silence sur tout ce qui pourrait ressembler à une sanction. Aujourd’hui, l’Église a horreur de punir alors qu’elle vivait paix et aise lorsque des supplices étaient infligés, parfois ici-bas, mais surtout dans l’au-delà, ce qui a épouvanté le peuple des chrétiens pendant des siècles.
Après le trépas, et avant d’accéder au paradis, les âmes devaient être purifiées par un passage au purgatoire où, dépurées par les feux éternels, elles en sortaient sans souillure, sans aucun souvenir des fautes commises au cours de l’existence terrestre lorsqu’elles étaient réunies à des corps qui avaient péché avec elles.
Évidemment, les âmes de ceux qui avaient commis des péchés mortels, ceux dont les fautes ne pouvaient être purgées, ceux dont la noirceur était indélébile par la démesure de la coulpe, les âmes de ceux-là étaient, dès la mort venue, précipitées en enfer et brûlées éternellement par des feux dévorants.
C’est en conceptualisant ces barbarismes et en les intégrant dans le corps de la religion que les papes et leurs factotons ont tenu le peuple en laisse tout au long de l’histoire en menaçant des pires supplices celui qui, au détour du chemin, cueillerait l’une ou l’autre fleur sauvage au lieu de marcher obtusément du même pas vertueux que les autres soumis vers le salut promis. La religion a toujours été un moyen de domination et les foules endoctrinées deviennent facilement des troupeaux que le meneur mène où il veut, jusque dans un précipice.
Mais, la modernité, que le catholicisme brandit à tout propos pour justifier la refondation de sa doctrine, a eu pour conséquence que le peuple est devenu rétif aux punitions, que son sens critique, d’ailleurs encouragé par le Vatican lui-même, le porte à douter de plus en plus de la réalité de la hiérarchie des péchés et des sanctions qu’ils entraînent.
La sociologie actuelle dénie au châtiment une valeur corrective. Le discours est plus efficace pour convaincre le fautif et lui faire regretter son acte. Chaque période a ses modes d’éducation et d’amendement.
Jadis exemplaires, les peines encourues par les délinquants sont aujourd’hui allégées par les tribunaux et deviennent souvent négligeables et relèvent plutôt de l’admonestation.
Il ne faut pas compromettre la réinsertion des malfaisants en les mécontentant par des peines intempestives.
Les punitions méritées par les enfants désobéissants sont supprimées dans les familles. À présent, ce sont les parents qui peuvent être réprimandés en cas de martinet.
Il ne faut pas perturber le psychisme des enfants et nuire à leur développement par des brimades inutiles ou des reproches inopportuns.
La société actuelle, imprégnée de pseudo-science sociale, veille à la bonne application des prescriptions des psys en tous genres ; ils harmonisent les relations entre les personnes et aussi entre les animaux et même entre les choses. C’est grâce à leur médication que la société est de plus en plus pacifique, amène et sympathique.
Les récompenses et les promesses d’absolution sont préférées et s’accordent mieux aux exigences modernes de confort et d’absence de souffrance que les panacées et les allocations sociales s’efforcent d’ailleurs de satisfaire. Déjà, le catholicisme nouveau garantit le paradis aux fidèles des autres religions en dépit du fait qu’ils ne sont pas baptisés et qu’ils ne croient pas en la résurrection de Jésus-Christ. Dans la foulée, alors qu’il s’agit d’un monument de la doctrine dont les papes successifs on martelé l’existence évidente et indispensable, les limbes ont été abolies. La foules des enfants morts sans baptême et les innombrables embryons avortés ont maintenant un accès direct au paradis. Les limbes encombraient la théologie et ont provoqué des controverses infinies. Le problème est réglé et les querelleurs devront trouver un autre sujet de chicane.
Mais l’inefficacité des sanctions et leur résultat souvent décevant pose des problèmes dans la société ; elle les résout en adoucissant les peines ou en les supprimant. Ce sentiment de tolérance largement répandu soulève la question du purgatoire où les âmes souffrent pour des fautes vénielles ; elles n’ont nul besoin de punitions pour être pardonnées dans une société qui devient de plus en plus indulgente. C’est pour cela que l’arsenal répressif de l’Église a réformé le purgatoire ; il s’est tellement réduit qu’il a disparu.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire