Ainsi, le pape et le Vatican mènent leur train en annonçant l’évangile rénové et modernisé. Comme le bon pêcheur, ils ramènent quelques égarés dans leur filet. Ils attendent des jours meilleurs ; ils espèrent le lever rayonnant du matin magique où l’humanité tout entière comprendra que, par delà ses particularités et ses divisions, elle ne forme qu’un seul peuple animé d’un même idéal politique progressiste. Ce sera la fusion des nations réunies pour le bonheur socialiste dans le creuset de la religion catholique universelle où toutes les croyances se seront amalgamées. Ce sera la concrétisation de la vision jésuite : le surgissement de l’homme nouveau dans le royaume de Dieu en ce monde.
Pour en arriver là, il reste quelques obstacles à franchir, dans la mesure où ils sont franchissables. Certains murs sont parfois trop hauts pour être surmontés, ou trop durs pour être renversés. Car enfin, si le pari d’un monde futur communiste était vraisemblable au lendemain de la deuxième guerre mondiale, ce n’était plus du tout le cas quelques années plus tard et certainement pas lors du déroulement du concile. La persévérance dans la déraison est folie. Le monde futur ne sera pas d’obédience marxiste. Cette doctrine a eu sa chance et on sait ce qu’elle en a fait. Avec le répartement de l’instruction dans toutes les classes de la population, la montée concomitante du sens critique et de la contestation des élites, le sens de l’histoire irait plutôt vers le rejet des hommes providentiels et de leur culte comme cela était de règle dans un passé pas très lointain. D’ores et déjà, en attendant une information encore meilleure et une élévation culturelle des peuples, ceux-ci sont capables, collectivement, d’énoncer des idées nouvelles, généreuses et constructives ou de prendre des décisions conforment à leurs intérêts, plutôt que de s’en remettre à des hommes dont le génie est frelaté et la corruption souvent bien réelle. Par ailleurs, si le culte des hommes providentiels n’est plus d’actualité, il en va de même des autres cultes réservés à d’autres personnalités comme les dieux incarnés dans les religions.
Habituées à être obéies en toutes choses, les autorités religieuses furent stupéfaites et scandalisées par la défection massive des fidèles après la réforme du culte décidée par le concile. Il leur semblait impossible que la foule immense des fidèles puisse vivre sans les secours de la religion. Les prières et cérémonies traditionnelles faisaient tellement partie des mœurs que les populations, un moment désorientées, y reviendraient bien vite avec humilité et repentir pour leur impiété. Mais, après des années et des décennies, force est de constater que les églises sont toujours vides et que les rares paroissiens qui font encore leurs dévotions devant les autels sont, pour la plupart, des personnes âgées obéissant à des habitudes plus qu’à des convictions.
Un phénomène plus inquiétant encore touche et meurtrit l’Église : le nombre de prêtres chute dramatiquement. Leur âge moyen est aujourd’hui de plus de 75 ans. Beaucoup d’entre eux sont des rescapés d’avant le déluge, d’avant le concile. Depuis lors, le nombre des ordinations se réduit comme la rosée du matin. La France commence à importer des prêtres d’Afrique. Mais ce pis aller ne comblera pas les rangs de plus en plus clairsemés d’une armée jadis conquérante et victorieuse ; elle n’est plus que l’ombre d’elle-même comme le sont les régiments dispersés après une bataille perdue.
L’hallali est proche. Les restes de l’Église catholique voudraient faire illusion. Mais elle n’a plus de tête ni de membres. Elle gît sans vie depuis plus d’un demi-siècle. Ses débris disparaissent rongés par la science et les techniques triomphantes, par le savoir dont les découvertes montent jusqu’au ciel, par les innovations qui dépassent et font oublier jusqu’au souvenir des religions. L’Église catholique n’est plus. Elle s’est évaporée comme le brouillard au premier rayon du jour, comme un clin d’œil de vers luisant, comme une trille de rossignol, comme une fumée de feu de bois, comme un vibrato de violon, comme une escarbille de gailletin, comme une bluette de feu follet, comme un soupir dans la nuit. La religion catholique aura vécu deux mille ans. Elle est morte.
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