C’est surtout depuis le XIXe siècle que les théologiens ont travaillé au rapprochement des chrétiens dispersés aux quatre vents des dissidences et des séditions. Pie XI comme Pie XII avaient condamné tout contact qui ne serait pas un retour au bercail des brebis égarées. De nombreux théologiens de tous bords avaient tenté de jeter des passerelles au-dessus du gouffre bouillonnant où s’affrontent depuis des siècles les maîtres-penseurs et leurs doctrines. Ils avaient subi les foudres du Vatican. Aucune possibilité de dialogue n’existait sans une résipiscence préalable des renégats.
Tout à coup, comme répondant à un signal, le mot œcuménisme est prononcé. C’était une divine surprise pour le concile. C’était comme le chant d’un rossignol. C’était comme une porte qu’on ouvre. Le verrou que les papes maintenaient fermé venait de sauter. Tout le monde s’est précipité pour voir le paysage enchanteur caché jusqu’ici.
Les représentants de toutes les variantes du christianisme sont bientôt convoqués, auditionnés, amignardés, intégrés aux travaux du concile. Les originalités sont cependant multiples et chacun campe sur ses vérités. Les orthodoxes ordonnent des hommes mariés, comptent les jours sur le calendrier julien et restent fidèles à la Bible des Septante. Les anglicans ordonnent des femmes prêtresses et nomment des évêques dont le mérite exclusif est d’être homosexuels. Toutes les branches du christianisme sont ainsi originales dans leur apparence extérieure mais plus encore dans les variantes de leurs doctrines respectives. Elles proclament toutes une vérité propre comme si le Christ avait morcelé son enseignement et l’avait dispersé en un grand nombre de fragments que chaque Église, qu’elle soit orthodoxe, anglicane, évangélique, protestante, luthérienne, calviniste, réformée ou autre, aurait recueilli pour son compte. Mais tous ces chrétiens ont en commun d’être baptisés et de croire en la résurrection du Christ.
L’essentiel était de se rencontrer après s’être tourné le dos si longtemps. Au moment tant attendu de jouer de la fourchette, on se parlait enfin et, après un Cheval Blanc bien charpenté, à moins que ce ne soit un Château Latour réservé, les langues se délient et les opinions commencent à s’échanger en toute simplicité quant à l’accueil et au décor. Entre la poire et le fromage, on convient de l’excellence de la chair et du vin. On voudrait en venir à plus de proximité, à pouvoir avouer en confidence que personne autour de la table n’avait la moindre intention de céder quoi que ce soit à un quelconque œcuménisme, que la demanderesse était l’Église catholique, et elle seulement.
Le concile était enchanté. Il avait réuni toutes les fractions de la chrétienté et il augurait déjà d’un prochain rapprochement des doctrines. Les vérités des uns, décidément, pouvaient s’ajouter à celles des autres car chacun possédait une part de la lumière qu’il pouvait communiquer pour mieux éclairer les consciences. Le Vatican espérait pouvoir partager son monopole prétendu, recevoir et donner aux autres Églises chrétiennes ce que chacune détenait en propre et ainsi travailler à la réunion du monde chrétien tout en préservant sa diversité. Elle était la seule à le penser.
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