lundi 6 février 2017

Les philosophes grecs ont dépensé beaucoup de temps et d'intelligence à percer les secrets de la nature. Ils avaient dans l'esprit que tout devait pouvoir être appréhendé autrement que par le tempérament des dieux. Ceux-ci dominaient la société antique. Tout phénomène incompréhensible ou mystérieux s'expliquait par l'opération d'un dieu. D'où vient le vent ? Comment est-il produit ? Doux zéphyr aujourd'hui, mais tempête meurtrière le lendemain. Personne, même le plus grand savant, n'avait d'explication satisfaisante. C'était donc un dieu qui, selon son humeur, rafraîchissait l'air lourd d'une journée d'été ou naufrageait les vaisseaux, détruisait les maisons et les récoltes lorsqu'il était courroucé. Il était donc nécessaire de se concilier le dieu par le culte et des offrandes. Il fallait surtout s'abstenir de tout acte ou propos susceptibles de soulever sa colère. Car le dieu n'individualisait pas son châtiment, il punissait la collectivité. Un seul homme l'avait offensé et le dieu dévastait la ville tout entière. A l'occasion d'un fléau, il convenait de rechercher le coupable pour réparer sur sa personne et sur ses biens l'offense faite au dieu et l'apaiser. L'impiété, le blasphème étaient des crimes punis de mort. Socrate a bu la ciguë pour impiété.

Les philosophes voulaient découvrir les causes inexpliquées des phénomènes naturels et décrire le monde dans sa vérité, vide de dieux.

La religion catholique se satisfaisait pleinement du géocentrisme aristotélicien développé par l'astronomie de Ptolémée au IIe siècle. Cette vue de l'univers avait prévalu depuis l'antiquité et la majorité des penseurs et des érudits en ratifiaient le modèle même si des imprécisions et surtout des contradictions faisaient questions. Les algébristes avaient résolu ces difficultés à grand renfort de formules géométriques plus ou moins intelligibles.

Néanmoins, le géocentrisme semblait avoir l'avenir devant lui comme il avait occupé le passé.

Mais, en 1543, année de sa mort, Nicolas Copernic publia son livre "De Revolutionibus Orbium Coelestrium" : "Des Révolutions des sphères Célestes". C'était une subversion. Le géocentrisme, si cher aux traditionalistes, était mis à mal. L'observation correspondait enfin au modèle proposé par les mathématiques. L'héliocentrisme de Copernic plaçait le soleil au centre de l'univers avec un cortège de planètes, dont la Terre, tournant autour de lui selon des orbites circulaires, car le cercle est une figure parfaite à la ressemblance du Créateur lui-même.

L'affaire fit scandale. Le Saint-Office s'employa à circonscrire l'incendie mais il s'aperçut bientôt que la société changeait et que la science sortait de la tombe où l'Eglise l'avait enterrée, croyait-elle, pour toujours. Copernic n'était pas le premier venu et ses références mathématiques et astronomiques faisaient autorités. L'héliocentrisme trouvait des défenseurs. C'est seulement en 1616, après de multiples soubresauts, que les thèses coperniciennes furent mises à l'index. On pouvait croire que l'agitation qu'elles avaient provoquées allaient s'apaiser.

C'est alors que le plus grand savant de l'époque sortit des coulisses et occupa la scène tout entière. Galilée publia son "Dialogue des deux systèmes du monde de Ptolémée et de Copernic" dans lequel il comparaît le géocentrisme à l'héliocentrisme et où il ne dissimulait pas ses préférences.

Les jésuites prétendaient tout connaître mieux que tout le monde et se faisaient forts de prouver l'immobilité de la Terre par rapport à tous les autres corps célestes.

Il fallut attendre 1633 pour que Galilée soit enfin convoqué par l'Inquisition et confronté aux imprécisions et aux contradictions de l'héliocentrisme. Les calculs des trajectoires des planètes étaient imprécis parce que les orbites n'étaient pas circulaires comme on l'avait cru mais elliptiques ce qui expliquait les irrégularités. Par ailleurs, le mouvement de la Terre, prouvé par le calcul, ne pouvait pas être observé. Dès lors, Galilée était acculé même s'il savait être dans le vrai.

Finalement, menacé d'être mis à la question et condamné au bûcher pour hérésie, choqué et blessé, il céda. Condamné à être enfermé dans les prisons du Saint-Office, il fut surtout contraint à une autocritique à la soviétique.

"J'ai été tenu pour hautement suspect d'hérésie, pour avoir professé et cru que le Soleil est le centre du monde, et est sans mouvement, et que la Terre n'est pas le centre, et se meut. J'abjure et maudis d'un cœur sincère et d'une foi non feinte mes erreurs."

Dès lors, l’Église sortait victorieuse de l'épreuve mais, sans le savoir, elle s'attachait un boulet au pied dont elle ne pourra jamais se défaire. Elle avait voulu combattre la science et lui plier le cou ; elle avait voulu et provoqué une lutte dont, finalement, elle sortira tout à fait vaincue. L'essor irrésistible de la science la mettra à quia.


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