lundi 23 janvier 2017

Alors que le moyen-âge égrenait son rosaire, le catholicisme poursuivait son chemin dans l'attente de la fin du monde puisqu'il s'agit d'une religion apocalyptique. De siècle en siècle, les fidèles chrétiens guettaient avec espoir ou crainte le signal des trompettes annonçant le Jugement.

Dans l'entre-temps, les cahots et soubresauts n'ont pas manqué. Les rapports entre les hommes, même s'ils sont les piliers de l'Eglise, sont parfois difficiles. Plus on est haut perché, plus on veut encore monter. Plus il y a d'honneurs, d'argent et de richesses, plus on en veut. Finalement, la corruption a affaibli l'Eglise et le vice a achevé de la déconsidérer aux yeux des clercs mais aussi des peuples qu'elle dominait.

En dépit de ses efforts constants, l'Eglise ne put interdire aux hommes de regarder la nature et de se poser des questions ; elle ne put détourner les yeux des géomètres de leurs calculs ; elle ne put défendre aux médecins d'étudier les maladies ; elle ne put empêcher les herbalistes de chercher des simples, d'y trouver des infusions mais aussi des poisons. Mais, en freinant des quatre fers, elle réussit tout au long du moyen-âge à stériliser la recherche en traquant l'hérétique qui cherchait à percer des secrets que Dieu avait cachés dans la nature pour les dissimuler aux yeux des hommes.

L'Eglise ne put cependant s'opposer à l'émergence d'une découverte qui allait, petit à petit, en dépit de tous les obstacles, stimuler le progrès dans tous les domaines, populariser la culture, encourager l'étude, développer les sciences et, ainsi, amorcer la Renaissance : l'imprimerie.

Les mœurs s'étaient dégradées de plus en plus dans l'Eglise. Le népotisme, les trafics et les complots en tous genres proliféraient. L'inconduite et la licence, la corruption et l'immoralité, la luxure et la débauche, tous les égarements du corps et de l'esprit prospéraient dans les palais romains. Plus on montait dans la hiérarchie, plus le chancre était infecté. Papes et cardinaux trônaient sur leurs vices.

C'est alors qu'un moine augustin se leva et rendit la parole aux évangiles. Docteur en théologie et professeur d'université, Martin Luther se révolte contre les turpitudes et le dogmatisme du haut clergé. En 1517, il placarde ses quatre-vingt-quinze thèses sur les portes de l'église de Wittemberg. Elles sont bientôt imprimées et l'affaire devient publique. La querelle divise les théologiens. Rome s'en mêle et le pape exige de Luther qu'il se rétracte. Celui-ci brûle la bulle en public et est excommunié. Dès lors, les deux camps fourbissent leurs armes et vont croiser le fer. Luther va développer ses thèses et ralliera la plupart des princes allemands. De proche en proche, le protestantisme s'étend et s'organise. La rupture entre les antagonistes devient vite irrémédiable. La Réforme détache les protestants du catholicisme et les deux radeaux de la Méduse vont dériver de plus en plus loin l'un de l'autre. Bientôt, ce sera les épouvantables guerres de religion qui dépeupleront des régions entières de l'Europe.

Fin théologien et germaniste subtil, la traduction allemande que Martin Luther donna de la Bible fait toujours référence. Ecrivain foisonnant, il aurait rédigé quelque soixante mille pages. Ses connaissances en théologie étaient tellement fouillées et détaillées qu'il se faisait fort de convertir n'importe quel juif à la foi chrétienne. Mais, devant l'arbitraire des rabbins, leurs contre-vérités, leurs manipulations des textes, leur déloyauté, leur mauvaise foi et leurs mensonges, il professa bien vite un antijudaïsme féroce, l'un des plus radicaux de l'histoire.

Le Saint-Siège fut décontenancé par le succès des thèses de Luther et chercha vainement la parade. Elle vint tardivement sous la forme d'un nouvel ordre religieux : la Compagnie de Jésus dont les membres sont les jésuites. Fondée par Ignace de Loyola en 1540, la Compagnie devient rapidement le fer de lance du Vatican. Les jésuites seront au cœur de la Contre-Réforme. Ils lanceront le concile de Trente dont l'Eglise sortira relevée et assainie. On peut dire qu'au XVIe siècle, les jésuites ont sauvé l'Eglise. Sous leur impulsion, l'ensemble des ordres religieux se régénèrent et sont conquis par le charisme des hussards noirs du pape. L'enthousiasme gagne toute l'Eglise. Les missionnaires jésuites partent pour l'Afrique, l'Orient et les Amériques.

L'Eglise avait surmonté la plus grande crise de son histoire. Elle allait pouvoir reprendre sa marche en avant, combattre les hérésies et, surtout, triompher du protestantisme et le reléguer dans les oubliettes où croupissent les cauchemars. Déjà, le clergé et les fidèles avaient retrouvé la confiance dans les institutions ecclésiales et repris le chemin des églises rénovées où le décor baroque était éblouissant. Les dorures aux mille feux, les tapisseries à passements, les retables peints, les sculptures polychromes des saints, les boiseries précieuses des stalles et des chaires, l'ensemble de l'apparat semblait ouvrir des portes sur les merveilles du paradis. Depuis les voûtes jusqu'aux sols, tout était félicité. L'avenir tressait des guirlandes d'espoir pour saluer une Eglise plus grande et plus belle.

Tout à coup, un terrible coup de tonnerre retentit dans les cieux sans nuage où l'Eglise purifiée se dressait à nouveau de toute sa hauteur. La Renaissance venait d'ébranler toutes les certitudes jusque dans leurs fondements. La science et les techniques faisaient irruption dans un monde fini. Elles allaient déchiffrer la nature et ses mystères et remettre sur le métier les dogmes millénaires que les théologiens et les philosophes pensaient avoir établi pour toujours.


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