Pendant toute sa navigation au long cours dans les eaux troubles, profondes et immenses du moyen-âge, l'Eglise a affronté maintes tempêtes qui auraient dû l'entraîner au fond, mais elle a toujours su ferler ses voiles barbeyantes, remonter au vent et reprendre son cap.
Selon Augustin (Ep 98, 9) et les Pères de l'Eglise : "Le Christ est immolé chaque jour en sacrement". L'auteur présumé du chant grégorien, l'un des personnages les plus importants du moyen-âge et de l'Eglise, saint Grégoire-le-Grand affirme que, pendant la messe, Jésus-Christ est "immolé à nouveau" (Iterùm immolâtur).
Ainsi donc, la messe serait le renouvellement du sacrifice de la croix où le Christ fut immolé pour le salut de l'humanité et le pardon de tous les péchés. Le sacrifice de Jésus, de la partie humaine de sa personne, fut tellement terrible et pathétique que Dieu effaça aussitôt tous les péchés.
Ce sacrifice humain semblait suffisant mais, selon les autorités ecclésiastiques les plus écoutées, selon les docteurs les plus savants, toute messe serait le théâtre d'une nouvelle immolation. Au fil du temps et des messes, il y aurait eu des millions et des millions de sacrifices renouvelés à l'infini. La religion chrétienne, selon ses propres dires, serait alors l'auteur de la plus grande hécatombe jamais entreprise et réalisée. Evidemment, tout ceci ne concerne que les chrétiens accrochés à leur théologie et non point l'ensemble des sceptiques dont le jugement est différent.
Comme l'assure le magistère, la messe est aussi le siège d'un autre prodige. Par le truchement du prêtre, le Christ accomplit un miracle. "Ceci est mon corps !" dit-il avec la voix du prêtre. "Ceci est mon sang !" ajoute-t-il encore. Et le pain devient le corps du Christ. Et le vin devient son sang. Il y aurait transsubstantiation, interversion des substances, transmutation des espèces. La chair et le sang du Christ seraient ainsi réellement présents sur l'autel. Que vont en faire le prêtre et les fidèles ? Ils vont les manger ! Il s'agirait d'un sacrement marquant l'union intime entre les chrétiens et leur Dieu. Ce cannibalisme ou cette théophagie est on ne peut plus singulier et surprend à première vue celui qui prend contact avec la religion chrétienne bien que cette pratique ne recèle aucune étrangeté pour les fidèles. Il s'agirait simplement d'un acte ésotérique d'adoration.
Une montagne de livres ont été écrits par des générations de théologiens parmi les plus doués pour expliquer les mystères de la messe. Des bibliothèques entières leur sont consacrées. Les esprits les plus agiles du moyen-âge ont épuisé tout ce que la cervelle humaine pouvait exprimer pour justifier et prouver l'incroyable qu'il fallait croire. Alors que tout autre étude était interdite par les autorités religieuses, sans autre domaine où exercer leur érudition, tant bien que mal, tous ces fronts tonsurés en ont fait leur ordinaire et, finalement, ils s'y sont complus. La police de la pensée était (déjà) à l’œuvre. Aujourd'hui, toutes ces spéculations ressemblent à des sables mouvants où la raison s'enlise avant de succomber. Elles sont de moins en moins acceptées. En fin de compte, ce n'était que récréations intellectuelles comme les affectionne la gent littéraire.
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