lundi 16 janvier 2017

De tout temps, les princes et les rois ont aimé la guerre. La vie était monotone pour les nantis au moyen-âge. Les dérivatifs manquaient décidément. L'ennui le disputait à l'oisiveté. La guerre était un exutoire par où la virilité des hommes inactifs pouvait s'épancher. La chasse faisait aussi partie des passe-temps traditionnels et était fort pratiquée. Mais giboyer dans les buissons n'est guère glorieux. Cette amusoire était prisable mais n'offrait qu'un palliatif sans lauriers. Le sort des armes était plus hasardeux et le plaisir de vaincre n'en était que plus grand. Terrasser un adversaire et le tuer en combat singulier ou dans la mêlée de la bataille grandissait son homme et lui donnait une aura de bravoure.

Le pape Urbain II détourna la propension de la noblesse à guerroyer en l'envoyant dépenser son trop plein d'énergie en Orient. Augustin avait théorisé la juste guerre et le pape décida de la mettre en pratique. Il prêcha la croisade en 1095 et rallia nombre de barons et bientôt des foules considérables. Avant de partir pour un lointain mystérieux, les croisés se firent la main sur les infidèles, juifs et autres impies, présents en Occident. Puis, forts de leur premiers exploits, ils entreprirent la périlleuse expédition dont beaucoup d'entre eux ne devaient pas revenir. Mais, pour les encourager, le pape avait accordé à tous les croisés une indulgence plénière. Ainsi, en cas de malheur, le troupier papalin était assuré d'être aussitôt accueilli au paradis dès le trépas sans avoir à craindre l'enfer pour certains ni même le purgatoire pour les autres.

Tout cela est bel et bien, mais aller ravager les terres musulmanes et arracher Jérusalem des mains turques, c'était aussi se distraire de son propre territoire.

L'hérésie cathare s'était propagée dans le midi de la France, spécialement dans les évêchés d'Albi, de Toulouse, d'Agen et de Carcassonne. Elle avait séduit non seulement les petites gens mais aussi beaucoup de clercs, des prêtres, des nobles et des marchands.

Le dualisme ou manichéisme s'explique par la différence entre le Dieu de l'Ancien Testament et le Dieu du Nouveau Testament. Alors que l'un apparaît comme terrible et redoutable, exigeant et vengeur, l'autre semble toujours son opposé, bon et miséricordieux, plein d'amour et de commisération. Des différences aussi radicales ont alimenté des réflexions qui ont abouti très tôt sur l'évidence de deux Dieux opposés, antagonistes, l'un maître des choses matérielles et l'autre régnant sur l'invisible, le spirituel, les sentiments, sur un monde de beauté opposé à la matière mauvaise et cruelle, injuste et insensible.

Le manichéisme a été de longue date condamné par l'Eglise et éradiqué dès les débuts du christianisme. Mais la résurgence de l'hérésie sous sa forme cathare et surtout sa propagation constante ne pouvait pas être tolérée longtemps. Les papes commencèrent par donner aux dominicains la mission de la combattre. Saint Dominique lui-même s'attacha à la tâche et tenta de ramener les cathares dans le droit chemin par des prédications soutenues et persuasives. Mais ses efforts ne rencontrèrent par le succès que son ithos appelait. Les cathares s'accrochaient à leur croyance comme le lierre à son rocher.

Devant l'entêtement des hérétiques, les papes recoururent à la manière forte. Ils prêchèrent la croisade contre les albigeois et la répression commença. Elle fut soutenue par l'Inquisition, une invention toute nouvelle, qui deviendra rapidement un formidable moyen de persuasion. Les dominicains, décidément très impliqués contre les cathares, furent chargés de l'inaugurer puis de l'appliquer.

A la suite des rivalités constantes et des mésententes entre les nobles croisés, le pape désigna le légat pontifical Arnaud Amaury pour diriger la croisade. C'est lui qui aurait proféré le fameux apophtegme : "Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens". Même si la citation est apocryphe, elle laisse néanmoins augurer de la sauvagerie de la répression et deviner la manière dont le légat entendait la conduire. Ce fut l'occasion pour l'Inquisition de faire ses premières armes et d'apprendre à extirper la vérité de la conscience d'hérétiques invétérés. Il fallait ausculter les pensées les plus secrètes de manière à déceler toute contradiction avec la foi catholique. Les dominicains devinrent rapidement experts en interrogatoire et peu ou même aucun des malheureux tombés entre leurs mains ne résistaient longtemps à leurs objurgations. Après avoir été tourmentés par le fer et par le feu, ils avouaient rapidement la vérité même la mieux dissimulée.

La croisade des albigeois fit tellement de victimes que la population de la région fut réduite de moitié. Mais le catharisme était définitivement vaincu. La religion catholique, sous l'étendard du Dieu d'amour et de miséricorde, avait rétabli son unité.


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