Comme beaucoup d'autres prédicateurs en Palestine à cette époque, Jésus parcourait les sables de Galilée et les rives du lac de Tibériade, exhortant bédouins et pêcheurs à le rejoindre ; ils venaient tous écouter son discours comme ils assistaient aussi aux harangues des autres commentateurs de la Thora. Les sectes juives poussaient alors un peu partout comme les champignons sous les feuilles mortes des sous-bois les matins embrumés de septembre. Les orateurs tenaient des discours apocalyptiques et ténébreux ; ils retenaient le public par des tours de magie, des guérisons spectaculaires ou par d'autres ficelles de bonneteur pour provoquer l'effroi et convaincre de la véridicité de leurs paroles prophétiques.
Si les objurgations de Jésus ne manquaient pas de rappeler les points forts de la Thora et s'il se référait aussi à la fin des temps, il n'était pas avare de prodiges pour retenir l'attention, rendre service et soulager les souffrances d'autrui. Le contenu de son discours était cependant très personnel. Il prêchait la douceur contre la violence, le pardon contre le talion, la générosité contre l'avarice ; son discours célébrait la bonté, la vertu, la compassion, la miséricorde, le désintéressement.
L'essentiel de son enseignement est contenu dans les béatitudes.
(Mt 5, 1,2,3,4,5,6,7,8,9,10,11) "Voyant les foules, il gravit la montagne. Il s'assit, et ses disciples vinrent auprès de lui. Et prenant la parole, il les enseignait en disant : heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux ; heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage ; heureux les affligés, car ils seront consolés ; heureux les affamés et assoiffés de justice, car ils seront rassasiés ; heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ; heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ; heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ; heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l'on vous insulte, si l'on vous persécute et si l'on vous calomnie de toutes manières à cause de moi. Soyez dans la joie et l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux : c'est bien ainsi qu'on a persécuté les prophètes, vos devanciers."
Ce discours est révolutionnaire pour l'époque. Alors que les harangues des rabbins menaçaient des pires calamités ceux qui n'observeraient pas l'intégralité de la Loi, Jésus proposait de pratiquer la vertu en toutes circonstances et surtout dans l'adversité. Et pour ceux qui le suivraient dans ce chemin escarpé mais exaltant, il promettait le paradis, non point ici-bas, mais après la vie, dans le Royaume ouvert dans les cieux pour les méritants.
Cette perspective convaincra Paul qu'un monde nouveau est en préparation et que Jésus est venu pour l'annoncer.
Fort du succès de ses prédications et des disciples de plus en plus nombreux qu'il rassemblait, Jésus décida de monter à Jérusalem et d'y organiser une grande manifestation. Celle-ci dépassa ses espérances. Monté sur un âne, il répondait aux acclamations de la foule. On agitait des palmes et des fleurs étaient jetées sur le sol devant le cortège. Ces ovations avaient de quoi le satisfaire. Elles lui ouvraient la perspective de faire de nouveaux et nombreux adeptes. Mais, comme Jésus avait décoché quelques philippiques sur les gardiens du temple, sadducéens et pharisiens, ils le tenaient en suspicion. L'effervescence populaire qu'il avait provoquée avait renforcé leur défiance ; sa personne comme ses propos pouvaient, tout bien considéré, représenter une menace pour leur pouvoir. Le bruit et le défilé de la foule avait aussi éveillé l'attention des autorités romaines, toujours promptes à prévenir la sédition.
Pour marquer cet événement mémorable où il avait pu mesurer son audience dans le public qui s'était pressé sur son passage, Jésus décida avec ses apôtres d'organiser un petit repas entre amis.
Quelques jours plus tard, ils s'attablèrent dans une salle un peu retirée. Ils mangèrent du pain et burent du vin de bon cœur car ils se réjouissaient, croyant qu'un avenir rieur s'ouvrait devant eux.
Alors que la nuit était tombée, Jésus et deux apôtres sortirent dans le jardin attenant pour prendre l'air. En risées capricantes, le vent rafraîchissait l'atmosphère un peu lourde de la journée et agitait doucement les feuilles des oliviers. L'atmosphère était calme et respirait la paix. Tout était silencieux et serein. Tout à coup, sortant de l'ombre, des hommes en embuscade et armés surgirent et entourèrent le petit groupe tout interdit. Ils se saisirent de Jésus, écartèrent ses deux compagnons, et l'entraînèrent avec eux après l'avoir entravé.
Au point du jour, à l'heure où Jérusalem s'ébroue, Jésus fut conduit incontinent devant le Sanhédrin où les juges l'attendaient. Après un interrogatoire succinct, il fut accusé de blasphème et aussitôt condamné à mort.
Afin que nul n'ignore le sort réservé aux blasphémateurs et à ceux qui s'opposent au pouvoir des puissants, les grands-prêtres et les scribes le conduisirent devant le procurateur romain pour qu'il soit crucifié. Sans doute dérangé dans son repos, Ponce-Pilate était d'humeur brouillonne. Alors qu'on lui présentait le condamné et qu'on l'accusait d'avoir fomenté une révolte, d'avoir tenu des propos séditieux sans même avoir épargné Rome, il déclara tout d'abord qu'il n'y avait point là de quoi mouiller une éponge. Devant cette attitude imprévue, les grands-prêtres et les scribes ameutèrent la foule qu'ils avaient convoquée par précaution et ils l'excitèrent à réclamer la mort pour le rebelle, pour le hors-le-loi.
(Lc 23, 21) "Mais eux lui criaient : 'Crucifie-le ! Crucifie-le !' ".
Impressionné par les clameurs de cette foule ressemblant de plus en plus à un bouledogue à qui on veut retirer l'os qu'il ronge, Ponce-Pilate chercha d'abord à calmer l'agitation.
(Mc 15, 12,13,14) "Pilate, prenant de nouveau la parole, leur dit : 'Que ferai-je donc de celui que vous appelez le roi des juifs ?' Mais eux crièrent de nouveau : 'Crucifie-le !' Pilate reprit : 'Qu'a-t-il donc fait de mal ?' Mais ils n'en crièrent que plus fort : 'Crucifie-le !' ".
(Jn 19, 15) "Eux disaient : 'A mort ! A mort ! Crucifie-le !' ".
(Mt 27, 22,23,24,25) "Pilate leur dit : 'Que ferais-je donc de Jésus que l'on appelle Christ ?' Ils répondirent tous : 'Qu'il soit crucifié !' Voyant alors qu'il n'aboutissait à rien, mais qu'il s'ensuivait plutôt du tumulte, Pilate prit de l'eau et se lava les mains en présence de la foule, en disant : 'Je ne suis pas responsable de ce sang ; à vous de voir !' Et tout le peuple répondit : 'Que son sang soit sur nous et sur nos enfants !' ".
Ayant épuisé les arguments raisonnables et sensés, Ponce-Pilate se sentait fatigué et un peu écœuré par tant d'aveuglement et de mauvaise foi. De guerre lasse et pour avoir la paix, finalement, devant l'excitation de plus en plus grande de la foule, il lui livra Jésus.
Aussitôt, Jésus fut empoigné, traîné au Golgotha sous les quolibets et les crachats, dépouillé, couché sur les bois et cloué. Supplice humiliant et horrible. La foule parlait, riait. La croix fut dressée et le malheureux apparut pantelant, sanglant, souffrant, souillé, avili. Les gens regardaient. Les heures passaient. Le ciel s'engrisaillait. Le soir tombait. Les oiseaux s'étaient tus. Exténué, Jésus frissonna faiblement ; un restant de vie palpitait encore. Ici et là, des poussières tournaillaient sous une brise légère ; la nuit commençait à envelopper l'aître et les choses. Désespéré, il mourut enfin.
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