lundi 16 mai 2016

Mais la Genèse n'en a pas fini avec Abraham. Le plus important est à venir. Un jour, Yahvé dit à Abraham : "Prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac, et tu l'offrira en holocauste sur une montagne que je t'indiquerai." (Gn 22,2). On imagine l'horreur qu'un père doit ressentir devant l'obligation qui lui est faite d'égorger son fils. Un vrai père obéirait-il à un ordre aussi épouvantable ? Comment Yahvé a-t-il pu souhaiter ce sacrifice, cet acte inhumain ? C'est simplement parce que le dieu Baal est toujours dans l'ombre de Yahvé et qu'il lui rappelle les pires traditions des phéniciens. Rien n'est plus agréable à Baal que le sang d'un premier-né. Et c'est pourquoi Isaac devait mourir égorgé sous le couteau de son père. On atteint ici un paroxysme dans la barbarie.

Mais pourquoi donc Yahvé a-t-il imposé cette épreuve à Abraham ? Comme il est omniscient, il savait évidemment qu'Abraham obéirait. Alors, pourquoi se livrer à cette comédie odieuse ?

Abraham cependant ne fut pas étonné de l'exigence soudaine de Yahvé. On a presque l'impression qu'il s'y attendait. En tout cas, il n'essaya même pas de discuter, de faire part de son émotion, de supplier Yahvé de ne pas dépasser ce qu'un père peut supporter. Non, il s'inclina simplement et se mit en devoir d'accomplir l'acte monstrueux, l'horreur absolue, ce qu'aucun père ne pourrait accepter. Mais, au moment de l'immolation, l'ange de Yahvé arrêta le bras levé d'Abraham armé du couteau et, épargnant l'enfant, il lui substitua un bélier. L'histoire finit donc bien mais elle reste pour toujours un épisode horrible qui donne à Yahvé une stature terrible et cruelle.

Cependant, cette conclusion ne satisfait pas les rabbins. Le contexte hellénistique où se situe l'écriture de la Bible aurait retenu la plume du rédacteur ; il n'a pas osé aller au bout de son propos de peur des réactions qu'il allait provoquer. Car si Yahvé peut revenir sur sa parole, alors sa nature n'est pas parfaite ; son immutabilité ne serait pas omnipotente. La parole de Yahvé ayant un caractère immarcescible, elle ne peut varier ou se transmuer. Elle est toujours vraie dans l'éternité. Isaac aurait donc bel et bien été sacrifié. Mais les rabbins vont encore plus loin. Ils ont la manie de dater tous les événements de la Bible et, pour cela, ils dépensent des trésors d'érudition et remplissent des milliers de pages de considérations calendaires. Ainsi, ils ont découvert que le monde avait été créé le 7 octobre 3761 avant J.C. Ils ont aussi étudié de près les dates des faits et gestes d'Abraham et calculé qu'Isaac avait 37 ans au moment du sacrifice. Et les rabbins louent hautement la conduite d'Isaac qui aurait accepté son sort sans protester, s'offrant à l'holocauste dans un geste de soumission exemplaire. On sait aussi que, dans les années précédentes et avant de subir son terrible destin, Isaac avait eu le temps de faire souche ; il avait eu deux jumeaux, Jacob et Esaü.

On remarquera qu'Isaac fut le seul patriarche à n'avoir pas quitté la Palestine. La Bible ne mentionne aucun acte particulier qu'il aurait accompli. On peut y voir une confirmation de la réalité du sacrifice.


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