lundi 4 avril 2016

Le pharaon d'Egypte Ptolémée II avait l'ambition culturelle de donner à la Grande Bibliothèque une dimension universelle en y rassemblant tout le savoir du monde. Il collectait partout, dans les territoires qu'il avait réuni sous son sceptre mais aussi ailleurs, les papyrus et les documents en tous genres de toutes provenances.

Vers 250 av. J.C., Ptolémée II, dont les possessions comprenaient la Palestine, convoqua les phéniciens installés à Alexandrie et les pria de rédiger un ouvrage historique relatif aux us et coutumes de leur pays d'origine, reprenant les comportements habituels comme les mœurs ou les traditions ainsi que des chroniques relatant les événements dignes d'être mémorisés.

Les dirigeants de la communauté phénicienne se réunirent pour débattre de la situation. Les phéniciens aimaient palabrer avant de prendre une décision. Cela leur prenait beaucoup de temps mais ils estimaient que de cette façon, en examinant toutes les éventualités, en les soumettant à une critique sévère, en défendant une opinion contre celles d'autres personnes, les possibilités d'erreur se réduisaient et même, lorsque les débats sont suffisamment argumentés et menés sans précipitation irréfléchie, les égarements s'éliminent d'eux-mêmes, - à moins qu'à force d'accumuler les subtilités, ils ne soient favorisés.

Il est certain que la mission confiée aux dirigeants phéniciens était délicate et demandait une prudence de Sioux car des pièges pouvaient s'ouvrir à tous moments. Les participants aux discussions convinrent sans grande opposition qu'il était impossible de relater les cérémonies religieuses les plus ordinaires au cours desquelles, pour se concilier le dieu Baal, les premiers-nés des couples phéniciens lui étaient sacrifiés. Le contexte hellénistique interdisait de rappeler les conduites barbares et il convenait de lisser les nombreux soubresauts de l'histoire des phéniciens qui auraient soulevé la réprobation ou même l'horreur. Il faudra donc enjoliver mais alors, de coupures en ratures, l'histoire des phéniciens se serait réduite à un mince opuscule. On décida donc de magnifier l'histoire, de substituer aux épisodes les plus contestables des récits héroïques et d'autant plus magnifiques qu'ils seraient inventés. L'affreux dieu Baal devint Yahvé ce qui permit de l'amputer de ses principales malignités sans cependant le priver de son caractère terrible et plutôt effrayant. Pour couronner ce travail difficile et exigeant, et pour rendre hommage au commanditaire, on convint de consacrer un chapitre entier à l'Egypte. Le projet final ressemblait beaucoup à un roman fleuve comme ceux qu'imaginait si bien Alexandre Dumas tant les événements historiques se trouvaient amalgamés à des inventions des plus fantastiques.

Quant à la langue à utiliser, le débat fut court car l'évidence sautait aux yeux. Le phénicien s'apparentait désormais à une langue morte et l'araméen, s'il dérivait naturellement de l'ancien phénicien et s'il était beaucoup utilisé pour le commerce et les relations ordinaires dans le Croissant fertile, il n'était pas adapté à un usage raffiné, littéraire et culturel. Le grec fut donc choisi puisqu'il s'agissait de la langue universelle dont l'harmonie, le prestige et les ressources permettaient d'exprimer toutes les nuances de la pensée.

Ce fut la Bible. Et non point n'importe quelle Bible. Ce fut la Septante - la LXX - la première et la seule vraie Bible.


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