lundi 22 février 2016

L'économie de type soviétique présente quelques particularités. L'Etat est le capitaliste par excellence. Il est propriétaire de tout, des biens matériels sans doute, mais aussi de tous les végétaux et de tous les animaux, y compris les êtres humains, corps et âmes. Tout doit céder à sa volonté. Cette situation lui impose d'organiser la société de manière à équilibrer les forces qui pourraient s'y manifester, de veiller à ce que chacun soit satisfait et que chaque chose soit à sa place. Ce but très louable et qu'on approuvera, nécessite cependant une formidable administration. Il n'est question ici, on l'aura compris, que du point de vue de l'homo œconomicus. Pour expliquer la contrainte pesant sur le monopole de l'Etat soviétique, il suffit de sélectionner une toute petite particularité souvent occultée mais aux grandes conséquences. Dans le système soviétique la bureaucratie doit transporter les biens fabriqués là où ils sont nécessaires et où ils seront consommés, en veillant évidemment qu'il n'y en ait pas trop ici et trop peu là-bas. Ceci vaut non seulement pour toute la production industrielle mais aussi pour l'alimentation, les pièces de rechange et la répartition des travailleurs. Pour que tout soit à sa place, on comprend aisément que la travail de la bureaucratie est presque surhumain et que ses effectifs doivent être à la mesure de l'enjeu. On met le doigt sur l'un des points faibles de ce système économique. Dans une société de concurrence, la rivalité entre les entreprises les pousse à rechercher un profit partout. Ce sera donc le marché, et non pas la bureaucratie, qui répartira gratuitement et automatiquement les biens, les services, les produits alimentaires et tout le nécessaire au confort de la population de manière que tout aboutisse au bon endroit au bon moment sans aucune intervention étatique. Cela fonctionne très bien parce que les entreprises y trouvent un profit. Le bénéfice de l'organisation concurrentielle sur la bureaucratie de type soviétique est colossal et explique à lui seul le déclin économique de ce dernier.

Une autre faiblesse de l'économie soviétique est le culte de l'immobilisme. Dès lors que les difficultés de l'organisation sont surmontées, il faut veiller à ce que cette mécanique fonctionne sans à coup, sans que des modifications intempestives viennent en troubler le mouvement régulier. C'est pourquoi l'innovation est contrariante. Elle perturbe les habitudes de production et doit être intégrée dans les chaînes de décision et de répartition. On remarque que Marx lui-même n'avait pas envisagé ce phénomène puisqu'il décrit la société capitaliste comme dérivant nécessairement en méga-entreprises par absorption des petites pour, finalement, aboutir à la dictature de quelques grands groupes. C'était ignorer le pouvoir de l'innovation. Plus celle-ci est agissante, plus de nouvelles entreprises se créent, plus l'imagination envahit et modifie la vie de tous les jours et plus la diversité multiplie les libertés.

Tout ceci montre combien l'économie soviétique a eu d'obstacles à surmonter. On peut même être assez admiratif en remarquant qu'elle a tenu aussi longtemps.

Après la disparition de l'empire soviétique, lorsqu'on contemple les sociétés contemporaines, on se félicite de la prospérité apparente, de l'abondance des biens et des progrès constants des techniques qui ont rendu possible une existence plus confortable, une meilleure santé et des loisirs plus nombreux.

Mais la société évolue. L'Occident est entré dans un cycle de perturbations. La croissance stagne. Les entreprises n'embauchent pas et l'inquiétude sur l'avenir se répand.

Pour stimuler la conjoncture à retrouver des cieux moins nuageux, les Etats font le contraire de ce qu'ils devraient faire. Ils multiplient les interventions. Comme celles-ci, évidemment, vont à contre-courant de ce qu'elles sont supposées faire, elles amplifient la crise au lieu de la conjurer. Les spécialistes réputés pour leur savoir sont convoqués par les politiciens et de larges pouvoirs d'ingérence tombent entre leurs mains. Les énarques, dont la pollution bureaucratique s'étend à toute l'Administration, vont encore élargir le périmètre réservé à l'Etat et, inévitablement et comme toujours lorsque ces gens-là interviennent, la situation empirera encore. Leurs efforts aboutissent à créer des impôts, à les gaspiller, à taxer à tout va, à multiplier les fonctionnaires, à déplacer les charges et les crédits, à dépenser encore et toujours, à établir de nouveaux règlements et des normes originales ou insolites dont personne ne connaît le nombre.

On aboutit enfin à une situation ingérable où l'Etat dépense plus de cinquante pour cent du PIB. Cette limite est cruciale. On peut affirmer qu'un pays dont l'Etat dépense plus de cinquante pour cent du PIB est entré dans une société de type soviétique, où la prédominance de l'Etat et de la bureaucratie paralysent l'activité économique et étouffent tous les efforts d'innovation.

Actuellement, plusieurs pays européens ont franchi la barre fatidique et, sauf réforme rapide et douloureuse, ils subiront le sort funeste dont l'Union soviétique a été la victime sans cependant que cette catastrophe serve de leçon.

Enfin, lorsqu'on observe l'évolution des économies et des politiques dans tous les pays occidentaux, on doit constater qu'il existe une tendance de fond à augmenter la dette souveraine, à créer de nouveaux impôts, à étendre la bureaucratie, à dépenser de plus en plus, à donner de plus en plus de pouvoirs à l'Etat, à se rapprocher et parfois à dépasser le seul fatidique des cinquante pour cent du PIB au delà duquel on ne trouve plus que ruine, confiscation, police, contrôle, contrainte, fichage et de moins en moins de liberté.


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