lundi 1 février 2016

La suffisance du politicien est sans limite. Après la campagne électorale au cours de laquelle il a beaucoup parlé et s'est beaucoup montré ; pendant laquelle ses partisans ont placardé ses photos un peu prtout ; il est enfin sorti vainqueur de cette partie de poker. Dès lors, il oubliera toutes ses promesses ; ses électeurs ne s'en souviendront plus non plus, dans la mesure où ils les auraient jamais connues. Revêtu de cette espèce d'onction que le peuple lui aurait conférée, le politicien exercera le pouvoir avec ivresse. Tout lui sera permis, à commencer par s'octroyer des avantages sans nombre, pécuniaires sans doute, et sans frein. Et il pourra aussi commander au peuple et dominer les multitudes. L'excès de son pouvoir lui fera perdre la raison. Avec ses coreligionnaires, il formera une caste qu'on appellera "les élus de la démocratie" mais qui, en raison de son comportement, de son avidité, de sa volonté de tout régenter, de tout décider, de tout surveiller, sera plus justement appelée une élitocratie, ou mieux, une élitocrassie, même si ses composantes n'ont rien du savoir, de la conduite, de la morale ou de l'érudition d'une véritable élite. Les membres de cette élitocrassie sont les élitocrasseux, plus simplement et justement appelés les crasseux, épithète en accord avec la réalité, bien meilleure que celle dont ils se qualifient eux-mêmes.

La possession des biens, l'argent facile et le pouvoir détachent les crasseux de la réalité, des aspirations du peuple et de ses difficultés. Les crasseux jouissent du pouvoir et s'extasient devant les fortunes qu'ils accumulent sans effort. Leur occupation désormais sera de s'enivrer de puissance et d'autorité, ou d'ordonner et d'être obéi en tout, mais surtout, ils s'inquiéteront de leur avenir électoral et seront prêts aux pires forfaits pour être réélus.

Puisque l'argent ne coûte rien et que les impôts sont insuffisants pour satisfaire leurs rêves de grandeur, les crasseux vont emprunter. Ainsi, ils pourront construire des palais grands comme des cathédrales dont les frontons porteront leurs noms, des gares TGV dans les campagnes et des ronds-points par milliers ; mais ils veilleront aussi à distribuer des sucres d'orge au peuple en le faisant savoir à coups de cymbales. Les médias aux ordres encenseront largement ces opérations populistes.

D'emprunts en emprunts, la dette souveraine augmente. Le pouvoir des crasseux n'a d'égal que leur incompétence. On emprunte pour rembourser la dette. On bouche un trou en creusant un autre trou plus grand et plus profond. D'emprunts en remboursements, la dette monte ; elle dépasse déjà l'Himalaya ; elle grimpe encore, toujours plus haut.

Même si le parallèle est audacieux, politiciens et économistes font souvent le rapprochement entre la gestion des Etats et celle des entreprises.

Par exemple, lorsqu'une entreprise construit un immeuble administratif, elle peut financer cette opération au moyen de ses capitaux propres, de ses réserves, mais aussi en empruntant les fonds nécessaires auprès des banques. Lorsqu'un Etat construit un immeuble similaire, pourquoi ne pourrait-il pas, comme une entreprise, financer l'opération par un emprunt ? Cela accroîtra la dette souveraine mais ce n'en est pas moins aussi justifié, économiquement, que l'emprunt contracté par l'entreprise.

Ce raisonnement, tenu aussi bien par les politiciens que par les économistes, est entièrement faux.

L'entreprise construira son immeuble après une étude quant à son utilité, son coût, ses dimensions sans oublier le financement ainsi que les modalités de remboursement. Celles-ci doivent rencontrer strictement les possibilités de l'entreprise. Les gestionnaires sont responsables de la réussite ou de l'échec de l'opération. Il n'en va pas de même de l'immeuble construit par l'Etat. La décision répondra avant tout à des considérations politiciennes et elle sera d'abord la concrétisation d'une volonté de prestige sans autre évaluation quant à son utilité ou son usage. Comme les politiciens décideurs sont à la fois incompétents et irresponsables, contracter un emprunt sera la solution de facilité bien qu'inconséquente car les Etats disposent de moyens de financement dont les entreprises sont dépourvues. Tout Etat devrait avoir accumulé des réserves au fil des ans pour faire face aux dépenses d'investissement, exactement comme les entreprises bien gérées le prévoient systématiquement. Mais les politiciens sont des cigales ; les caisses sont toujours vides. De plus, et c'est la grande originalité des Etats par rapport aux entreprises, alors que celles-ci doivent se tourner vers l'emprunt lorsqu'elles ne disposent pas de fonds en suffisance pour réaliser un projet, les Etats peuvent utiliser une espèce d'arme absolue pour se financer : l'impôt.


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