lundi 16 février 2015

La prison est un lieu de perdition. C'est l'université du crime. Tous les détenus ont en principe commis l'un ou l'autre méfait bien que certains d'entre eux soient innocents. Les anciens mettent les nouveaux venus au parfum et se renseignent quant aux raisons pour lesquelles ceux-ci sont enfermés. Les petites frappes s'informent des procédés utilisés par les vieux brisquards et, de proche en proche, tous apprennent les meilleures astuces pour voler, estourbir, escroquer, dissimuler, cambrioler, menacer, voire se procurer des armes pour mieux se faire respecter et réussir plus facilement à dévaliser les honnêtes gens. Ainsi, tout ce petit monde est très informé de ce qu'il faut faire et ne pas faire pour vivre confortablement sans travailler et sans émarger à la sécurité sociale.

Les membres de la communauté des repris de justice possèdent leur propre manière de penser et d'agir. Tout ce qui est malhonnête pour le commun est profitable pour le bandit et cette approche de la réalité constitue toute sa morale. Le délinquant bien intégré dans le milieu des malfaiteurs ne peut plus modifier son comportement : il sera toujours à l'affût du mauvais coup même à son corps défendant. La malhonnêteté est bien plus addictive que la conduite intègre.

C'est pourquoi la fréquentation des prisonniers est dangereuse. La contagion est rapide et cette maladie de la malhonnêteté est incurable une fois qu'elle s'est installée. Les malades infectés sont contagieux et il faut leur éviter les contacts avec les personnes saines. La vie est plus facile quand on a perdu tout sens moral. Le malade se complait dans ses vices et ne souhaite nullement guérir.

Il existe des hommes dont l'activité quotidienne consiste à fréquenter les malfrats dans les prisons. Ce sont les avocats et les magistrats. Ils les écoutent, leur parlent, les conseillent, les assistent, les soutiennent, les réconfortent et entrent vraiment dans leur intimité. Et comme ce sont les pommes pourries qui gâtent tout le contenu du panier, il n'est nullement étonnant de constater que les avocats et les magistrats partagent avec les bandits le même état d'esprit, la même volonté de tromper, la même satisfaction de nuire.

Tout cela parce que les avocats et les magistrats, s'ils ont, comme on le sait, des dispositions naturelles à abuser des autres, se trouvent sans cesse non seulement au contact des pires bandits mais aussi parce que, professionnellement, ils veulent les comprendre et mieux les connaître. Ils en viennent à les excuser, à leur trouver des raisons d'avoir agi comme ils l'ont fait et ils finissent par prendre leur part dans leurs actes, par partager leurs angoisses et même par trouver qu'ils sont victimes d'un sort injuste.

Finalement, la symbiose est si parfaite qu'on ne distingue plus du tout les avocats et les juges des personnages odieux qu'ils défendent avec tant d'acharnement ou tant de désinvolture selon les honoraires, ou qu'ils jugent avec tant de mansuétude ou tant de sévérité selon leur situation sociale.



1 commentaire:

Jean Meslier a dit…

Superbe,
un billet de Charly comme on les aime.