lundi 24 avril 2017

Les papes post-conciliaires se sont trouvés dans une situation tout à fait imprévue. Alors que leur religion et ses institutions avaient été enfin adaptées à un environnement étatique autoritaire et monopolistique ; alors qu’ils avaient assisté avec stupéfaction et inquiétude à l’effacement de l’Union Soviétique des cartes de géographie et à la déliquescence de l’idéologie marxiste qui n’est plus célébrée que dans quelques arrières salles de bistrots de banlieue par de vieux militants nostalgiques qui, dos bombés devant leur verre de bière, se remémorent les beaux jours passés ; les papes ont tenté tant bien que mal de gérer un héritage trop lourd pour leurs épaules bancroches et trop archaïque au regard du credo du XXIe siècle : le libéralisme-social ou libre-échangisme qui croît et prospère sur les débris du mur et dans l’humus encore tiède du socialisme décomposé.

Le temps n’arrange pas les choses. Les églises ont perdu autant de tuiles que de fidèles, les grenouilles coassent dans les bénitiers et les coqs de bruyère font leur nid dans les confessionnaux. Que faire ?

Désespéré de n’avoir pu tirer l’Église de l’anéantissement, Benoît XVI abdiqua et se retira dans le silence d’une retraite studieuse. Le conclave réuni devait résoudre la quadrature du cercle : découvrir l’oiseau rare qui nicherait dans les ruines désolées de l’Église expirante. Les cardinaux finirent par trouver le merle blanc. Comme la Compagnie de Jésus était responsable de la débâcle du catholicisme, la solution consistait à dénicher le phénix dans ses rangs. Et le cardinal Jorge Mario Bergoglio sortit de l’urne. Ce jésuite argentin de belle allure, mais dont l’âge déjà canonique ne lui permettait plus de danser le tango, ne doutait de rien, et surtout pas de sa famille cléricale. Il prit le nom de François, en souvenir de François Xavier, le cofondateur de la Compagnie de Jésus et figure emblématique des jésuites. Mais le nouveau pape n’eut pas le temps d’expliquer son choix. En entendant le nom de François, la foule des Italiens rassemblée sur la place Saint-Pierre comprit qu’il s’agissait de François d’Assise, l’un des saints les plus vénérés dans la péninsule. Devant l’enthousiasme populaire, qui exprimait la reconnaissance des Italiens d’être associés à l’élévation du pape argentin au trône de Pierre, Jorge Mario Bergoglio fit contre fortune bon cœur et accepta avec le sourire le nom de François d’Assise. Après tout, être proche des pauvres comme son patronyme d’emprunt le suggérait ne lui déplaisait pas. Sa notoriété naissante ne pouvait qu’y gagner.

Le pontificat ne pouvait pas commencer sous de meilleurs auspices.

La pape François apparut aussitôt comme un redoutable virtuose de la communication. Un nimbe de perfection l’entoura dès l’abord. Le nouveau pape était un saint. Il était humble et modeste, courageux et généreux, simple et confiant, charitable et humain, fraternel et bienveillant, tolérant et indulgent. L'encens des hommages montait en volutes vers les voûtes de la basilique Saint-Pierre. Le règne commençait sous un ciel radieux et présageait un renouveau. Les questions se pressaient empreintes d’espérance. Le pape François rendra-t-il à l’Église le lustre dont lui et les siens l'ont dépouillée depuis tant d'années ? Retrouvera-t-elle l'influence qui fut la sienne ? Les fidèles y croyaient dur comme fer.

Mais hélas, le pape était un jésuite. Dès lors, on pouvait et on devait tout redouter.


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