lundi 22 septembre 2014

C’était à Liège, lors de la grande grève de 1960.

Quelques années auparavant, le Parti socialiste et les syndicats, imbus de marxisme et admiratifs de l’Union soviétique, constataient que, si l’opinion en Wallonie partageait leur idéal progressiste, il n’en allait nullement de même dans la partie flamande du pays. Celle-ci était en majorité favorable au Parti catholique et ne voyait pas d’autre option économique que le libéralisme et l’entreprise privée. Cependant, depuis de nombreuses années et même depuis la création du pays, un mouvement autonomiste s’était organisé en Flandre et se manifestait en de multiples occasions par des manifestations, de nombreux écrits de toutes sortes, des revendications spécifiques et en particulier par un rejet radical de la langue et de la culture française.

Les politiciens wallons ont cru pouvoir tirer profit de cette situation.

C’était donc à Liège, lors de la grande grève de 1960.

Alors que les tribuns socialistes entretenaient l’agitation et la flamme révolutionnaire, une revendication nouvelle s’éleva soudain de la foule rassemblée : "Nous voulons le fédéralisme !". Il s’agissait évidemment d'un slogan préparé de longue date. Dorénavant, il faudra regarder l'Etat Belgique comme constitué de deux entités : la Wallonie et la Flandre. La Wallonie voulait que les spécificités économiques et sociales différentes des deux régions soient reconnues. L’Etat devait s’adapter aux faits. Cette revendication fut reçue avec faveur dans les milieux autonomistes flamands qui n’en demandaient pas tant.

La Wallonie et la Flandre allaient pouvoir modifier leur structure de gouvernement. La Wallonie allait choisir un dirigisme fort tandis que la Flandre allait développer de son côté une économie libérale et sociale chrétienne tout en donnant la primauté à sa culture propre.

Dès lors, le train des réformes s’ébranla. On commença par fixer la frontière linguistique, la ligne de partage entre la Wallonie et la Flandre. Cela se fit en plein accord entre les deux parties.

Au cours des années suivantes, le train des réformes prit de la vitesse. La Flandre poussait à la roue et les politiciens wallons ne voyaient que des avantages à les épauler pour aller plus loin vers l'autonomie.

Mais déjà, la Wallonie se démenait avec la fermeture de ses charbonnages et les difficultés de plus en plus grandes dans lesquelles se débattaient ses industries lourdes. A la suite des syndicats, les politiciens wallons refusaient de transformer ou d’adapter les équipements obsolètes au monde moderne. L’habitude fut rapidement prise de suppléer au manque de compétitivité par des subventions. Les déficits s’accumulaient mais des transferts importants venant de l'Etat central unitaire permettaient à l’économie wallonne chancelante de se maintenir la tête hors de l’eau et d’éviter la noyade. Mais, du point de vue des élites wallonnes, les difficultés auxquelles la région ne cessait de se heurter provenaient avant tout de l'inertie de l'Etat central aux mains de la majorité flamande. Il était donc primordial de poursuivre le transfert des compétences et d'accélérer la fédéralisation du pays pour qu'enfin la Wallonie obtienne la maîtrise des outils nécessaires à son développement.

Il n’en reste pas moins qu’au fil des années, les revendications flamandes se firent de plus en plus insistantes sans que les politiciens wallons y trouvent à redire. Ces derniers ont toujours approuvé les demandes flamandes les plus extrêmes même lorsque, finalement, elles ont visé à démanteler l’Etat Belgique.

Enfin, le point d’orgue fut atteint par le règlement de la question Bruxelles-Hal-Vilvorde, dernière avancée importante de la Flandre à laquelle les politiciens wallons se sont associés en considérant qu'ils obtenaient, par cet ultime accord, un espèce de couronnement des efforts qu'ils déployaient depuis tant d'années. Dès lors, l’autonomie de la Flandre et de la Wallonie se réalisait. Il ne restait plus aux deux régions qu’à s’entendre sur la proclamation de leur indépendance réciproque.

Les politiciens wallons croyaient qu’ils allaient pouvoir conserver une assistance financière car ils estimaient que la scission de la Belgique en deux Etats indépendants n'est pas possible, car Bruxelles, la capitale, est francophone dans sa grande majorité et qu’elle reviendrait donc, par la force des choses, à l'Etat wallon. Les politiciens wallons restent convaincus que la Flandre ne renoncera jamais à Bruxelles et que, par conséquent, la scission du pays en deux Etats ne peut pas se réaliser. Selon ce raisonnement un peu hardi, la Wallonie pourra continuer encore longtemps de bénéficier des subsides de l'Etat central, secours dont elle a si cruellement besoin.

Mais c’est ignorer qu’il suffit d’attendre quelques années encore. La situation économique et sociale wallonne continuera de se détériorer et les impôts et le chômage d'augmenter tandis que la Flandre, surfant sur sa prospérité, s'éloignera de plus en plus de la Wallonie. Cela produira un effet de répulsion d'une part et d’attraction d'autre part qui deviendra irrésistible.

Finalement, la Flandre triomphante partira avec Bruxelles. Les Bruxellois seront heureux de rejoindre le plus fort et le plus riche. On laissera sur le bord de la route une Wallonie toujours engoncée dans son socialisme autoritaire, dans sa pauvreté, dans ses friches industrielles, dans son dénuement.

Tout cela sera la conséquence de l’option prise en 1960 par les politiciens wallons de pousser à la fédéralisation de la Belgique. Pour réaliser cette ambition, ils ont marché main dans la main avec la Flandre pour démanteler le pays, persuadés qu'ils en tireraient des avantages.

Aujourd'hui, les politiciens wallons sont persuadés que le désossage de l'Etat central lui est bénéfique et que, plus le transfert des compétences vers les régions sera important, plus ils auront les mains libres pour mener la Wallonie vers des lendemains enchanteurs.

La Wallonie indépendante aura le temps de méditer sur le monde merveilleux des promesses confronté aux maigres réalisations du socialisme autoritaire.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets, n’en déplaisent aux doctrinaires wallons.



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