samedi 9 septembre 2006

J O E

L'émission télé Controverse de ce dimanche et sa consoeur sur la RTBF avaient pour thème l'IPPJ et la manière dont cet organisme comprend sa mission. Ministres, parlementaires et journaux ont tous suivi et donné des avis parfois divergents sur les modalités mais concordants en ce qui concerne la rééducation nécessaire des jeunes délinquants.

Le débat avait pour origine la sortie du meurtrier présumé de Joe que les responsables de l'IPPJ ont autorisé à assister en compagnie d'un éducateur à la rencontre du football Belgique-Kazakhstan.

Les parents de Joe et le public ont donc appris par les journaux que le désormais célèbre Marius était adulé des psychologues de l'IPPJ au point qu'on lui offrait des délassements de nantis en récompense de sa bonne conduite car le bougre file doux à présent.

En plus de matchs de football de haut niveau que la plupart des jeunes ne peuvent pas se payer, l'IPPJ a dû reconnaître qu'elle propose aussi aux jeunes dont elle a la garde des randonnées à cheval, des voyages en Floride pour y découvrir les ébats des dauphins ou des vacances à Avoriaz pour s'initier aux joies du ski.

Selon les responsables de l'IPPJ, toutes ces activités feraient partie de la thérapie que nécessite l'état moral et mental des délinquants. Leur réinsertion dans la société se ferait à ce prix.

Mais il est de plus en plus évident que ce sont plutôt les psychologues de l'IPPJ qu'il serait urgent de réinsérer dans la société en les sortant de la bulle d'utopie où ils se complaisent.

Comment ces équipées de grand luxe peuvent-elle réconcilier les délinquants avec la société, alors qu'en dehors de ce curieux régime carcéral, ils ne pourront jamais se payer de telles distractions ?

Les éducateurs se défendent maladroitement en accusant les médias d'avoir révélé ce que la règle impose de tenir caché, comme si la discrétion était la condition de l'efficacité de leur thérapie et des mesures de réinsertion qui les complètent.

En réalité, il convient d'abord de considérer une autre possibilité. Les fameux éducateurs et psychologues sont les premiers à tirer avantage de cette curieuse pédagogie de luxe. Ne sont-ils pas les accompagnateurs, les favorisés, les privilégiés qui profitent en premiers des voyages et des escapades. Ne les choisissent-ils pas d'abord pour eux-mêmes, pour leur plaisir personnel ? Et il ne faudrait pas beaucoup les pousser pour qu'ils avouent que leur propre béatitude est la condition du succès du projet psychologique qu'ils ont pour mission de mener à bien.

Mais le plus grave dans cette histoire est la prétention des responsables de l'IPPJ de s'en prendre à la personne de ceux qui leur sont confiés, de les réinsérer, de les rééduquer, de leur laver le cerveau, de les reformater, de manière à les recréer, à les rendre conformes au modèle qu'ils ont décidé pour eux, à les identifier à ce qu'ils sont eux-mêmes, eux qui se regardent comme des maîtres et des exemples.

C'est exactement ce que le monde entier reprochait à l'Union soviétique qui enfermait dans des centres psychiatriques pour les rééduquer ceux qui ne pensaient pas correctement.

Si l'on devait suivre la propre ligne totalitaire de l'IPPJ, on devrait considérer que le décalage de ses éducateurs, psychiatres et magistrats par rapport à la réalité, la rupture mentale, le fossé qui sépare ce groupe de prétendus pédagogues de la société et de ses exigences élémentaires suggère qu'ils sont eux-mêmes des victimes de déviations névrotiques, d'une aliénation mentale, et qu'il serait urgent, afin d'éviter d'autres dégâts, qu'ils éprouvent eux-mêmes ce qu'ils font subir aux autres : qu'ils soient rééduqués.

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